Il y a des articles qui ont une saveur particulière, celui-ci en fait partie. Ça faisait un moment qu’on voulait donner la parole à Damien Castera. Prétexte ou opportunité idéale, son livre du flocon à la vague a été l’occasion de longuement s’entretenir avec lui. Puisque « prendre le temps » est un des echos émis par ce récit d’aventures, prenez le pour voyager à travers ces lignes…

L'Odisea du flocon à la vague

Simple rappel ou découverte totale, avant de vous parler de Damien Castera et de son livre, commençons tout d’abord par une petite présentation.

Damien Castera

livre damien castera

surfeur, aventurier, auteur... passionné

On pourrait classer les surfeurs professionnels en deux catégories : les compétiteurs et les freesurfeurs. Après avoir longtemps fait partie de la première, Damien a raccroché le lycra en 2011 en terminant à la première place en Coupe d’Europe et à la cinquième place aux Championnats du monde. Son but désormais : sillonner la planète, planche sous le bras, carnet entre les mains, à la découverte de nouvelles cultures, d’aventures et bien sûr de vagues inexplorées. Depuis 2014, il a réalisé quatre longs métrages et un moyen-métrage récompensés par de nombreux prix lors des festivals de films d’aventure. Ses récits de voyage sont régulièrement publiés dans la presse spécialisée. Il est aujourd’hui membre de la Société des Explorateurs Français.

Expéditions Odisea

expedition odisea

au fil de l'eau, du flocon à la vague

Les expéditions Odisea sont les aventures du snowboardeur Mathieu Crepel et du surfeur Damien Castera. 2 amis amoureux de grands espaces et de découvertes. Ils nous entraînent au coeur de la nature sauvage, pour une aventure passionnée au fil de l’eau. En Alaska et en Patagonie, ils ont successivement retracé le parcours d’un flocon de neige qui se dépose au sommet d’une montagne, coule le long des rivières et finit sa course dans les vagues de l’océan. Snowboard, packraft, canoe, surf… peu importe pourvu que la glisse soit célébrée.

Le livre de Damien Castera

Le livre expéditions Odisea

Passionné de surf et d’aventures, Damien Castera est aussi un passionné de littérature. Ses aventures avaient un côté poétique déjà marqué, dans l’approche, les images, les scénarios, les narrations. Mais avec ce livre, les expéditions Odisea prennent encore une autre saveur.
Dans ce livre Damien Castera se sert des mots comme de vagues, ils nous emportent et nous invitent à les suivre. Les lire, les décrypter,  les apprécier. Ce livre n’est pas un livre de surf, ce n’est pas un livre de voyage, ce n’est d’ailleurs pas un livre non plus… Mais qu’est-ce que c’est alors ?
Qui de mieux que l’auteur pour vous en parler ? Place à l’interview !


Interview de Damien Castera

Exploration du livre du flocon à la vague

livre damien castera du flocon a la vague

Dès la préface, signée par Nicolas Hulot, on comprend que ce livre n’est pas qu’un livre de surftrip. Comment tu le décrirais ?

Je dirai qu’il est avant tout un carnet d’émerveillement. Il est conçu comme tel ! A travers des récits d’expéditions, c’est la beauté de nos terrains de jeux que je souhaitais célébrer. La nature est d’ailleurs le personnage principal de ce livre, à travers la mosaïque de ses paysages, les montagnes, les rivières, l’océan mais également à travers les êtres vivants qui la composent.
Et puis, évidemment c’est une ode à l’eau sous toutes ses formes, du flocon de neige à la vague.

Vous vous retrouvez parfois sur des territoires hostiles.On vous sent conscients des dangers que comprennent vos expéditions, il en est de même pour les personnes qui vous accompagnent ou croisent (à l’image de Drake Olson, le pilote d’avion qui vous amènera sur le glacier en Alaska).

Qu’est-ce qui pousse les hommes à aller vers l’inconnu, à se frotter au danger et “composer avec” ?

L’idée de sortir des sentiers battus en prenant certains risques est la définition même de l’aventure. C’est ça que nous sommes venus chercher. Le besoin de s’éprouver, de voir ce que l’on vaut loin d’un cadre mis en place par la société. Je n’irai pas jusqu’à parler de « sortir de sa zone de confort » qui est devenu l’expression à la mode scandée par tellement de monde qu’elle ne veut plus rien dire, mais simplement d’aventure au sens traditionnel : explorer, établir un campement pour la nuit, aménager un coin pour le feu, composer avec l’inconnu et partager le tout avec de bons copains. Evidemment, certaines destinations sont plus propices à vivre ce genre d’expériences de coureurs des bois. L’Alaska et la Patagonie portent dans leur appellation toute la musicalité du voyage d’expédition, ça fleure bon l’aventure !

livre surf damien castera

A l’image de ta descente en snow du “géant blanc” qui se trouvait face à votre campement sur le glacier, prévoit-on les limites qu’on se fixe avant le début de l’aventure ou se dessinent-elles au fur et à mesure ?

Oui, nous prévoyons une marge de sécurité, nous ne sommes pas des têtes brûlées, loin de là. Surtout que ces expéditions ne sont pas basées sur la performance sportive à proprement parlé. Mais c’est vrai que d’être à deux, permet de se motiver en permanence. La force de l’un compense la faiblesse de l’autre, la fatigue du premier appelle la résistance du second. Comme nous évoluons dans un univers que l’on ne connaît pas, je dirai que les limites se dessinent au fur et à mesure de l’aventure. Je pense notamment à la descente du rio Petrohue qui s’est montrée beaucoup plus compliquée que prévu. Il a fallu composer sur le moment et prendre la décision de contourner certains rapides à pied.

damien castera freesurf

Tu dis souhaiter “inscrire Odisea” dans la volonté de “réconcilier les sports de glisse avec l’esprit d’aventure. D’après toi, qu’est-ce qui les a déconnecté ?

Je pense que c’est une question d’époques et de tendances. Le surf, à ses débuts, était un sport pratiqué par des marginaux. C’était assez mal vu de faire du surf, c’était parfois même un acte contestataire pour afficher clairement sa rupture avec la société. Puis le surf est devenu une mode avec ses codes et son industrie. Ce qu’on a gagné en apparence, je pense qu’on l’a perdu en profondeur. La démarche des surfeurs des années 60’s n’était pas un caprice ou de l’esbrouffe, c’etait un vrai choix de vie sans concessions : le surf avant tout. Cela englobait des prises de risque et un goût prononcé pour l’aventure. Découvrir G-Land ou Cloud 9, c’était de l’exploration véritable. Aujourd’hui, l’accès aux spots de surf s’est démocratisé en même temps que le trafic aérien. Partir à l’autre bout du monde n’est plus une aventure. Le surfeur 2.0 est davantage porté sur l’alliance hôtel/Wifi que Bivouac/feu de bois. C’est pour ça que je parle dans mon livre de cette volonté de réconcilier le surf et l’esprit d’aventure.

"Partir à l’autre bout du monde n’est plus une aventure. Le surfeur 2.0 est davantage porté sur l’alliance hôtel/Wifi que Bivouac/feu de bois"
mathieu crepel damien castera

D’une manière plus générale, Odisea n’est-ce pas un appel à “se déconnecter et ralentir de sa vie frénétique. Prendre le temps de revenir à des choses plus simples” ?

Là dessus on apporte rien de neuf… C’est un vieux classique, Démocrite appelait ça le « recours aux forêts ». Pour Pierre rabhi c’est plutôt le « retour à la terre ». C’est également l’obsession de l’écrivain Sylvain Tesson qui ne comprend pas pourquoi l’homme fait la promotion d’une « réalité augmentée », comme si la réalité, dans sa triste condition, avait besoin d’être augmentée. Ceux qui sont sensibles au spectacle de la nature en douteront fortement. L’utilisation d’Internet est un moyen fantastique d’enrichir nos vies mais ne doit pas être une manière d’orchestrer nos existences. Partir à l’aventure sans réseau, lire des livres, camper sous les étoiles, et entretenir le conciliabule des forêts deviennent presque des actes de dissidences dans une société ultra connectée. Evidemment, j’ai conscience que nous sommes des privilégiés mais je pense qu’une petite déconnexion générale ferait, de temps en temps, le plus grand bien à l’humanité.

damien-castera-auteur-surfeur

Au vu de l’actualité (COVID 19, dérèglement climatique, disparition des espèces, crise économique…), ralentir et revenir à des choses simples n’est-ce pas devenu une obligation ?

C’est une belle opportunité de se recentrer sur l’essentiel en effet. Il y a un véritable élan général pour construire le monde d’après. C’est très beau, les philosophes théorisent, les économistes jonglent avec les chiffres, les écologistes attisent les passions. Malheureusement sans les politiques, sans un changement systémique, il sera très compliqué d’inverser les tendances. On parle beaucoup du réchauffement climatique et c’est la crise majeure qui tend à l’horizon. Mais la disparition de 60% des mammifères en 40 ans n’a rien à voir avec le réchauffement climatique. Il est du à la surconsommation, à la sur pêche, à la destructions des habitats naturels, à l’agriculture intensive et la la bétonnification des terres. Il y aurait tellement de choses à dire, on complètera dans une prochaine interview si tu veux bien… (on note Damien, on note. Et ça sera avec plaisir !)

Vos aventures sont enrichies par des rencontres, à l’image de celle de Nicolaï, mi chercheur d’or, mi géologiste.

Les rencontres que vous faites sont-elles prévues ou se font-elles “au fil de l’eau” ? 

(sans volonté de jeu de mot, promis ! )

Oui bien sûr, les rencontres sont une priorités dans nos voyages autant que l’aventure sportive. Elles permettent de penser l’aventure au delà de l’anecdote, de transformer l’expérience en conscience. Au même titre que nous sommes complémentaires avec Mathieu, lui étant expert en montagne et moi de l’océan, nous prenons ces rencontres comme une chance de saisir les subtilités et la profondeur des endroits que nous traversons.

"ce qui relie Nicolaï à notre aventure au fil de l’eau, c’est véritablement cette capacité de s’ouvrir sur l’universel en traquant l’anecdotique"
surftrip patagonie

C’est au fin fond de la Patagonie, après être passé dans le village de Yakutat que “robinsonnade au royaume des ours” commence… (dans un endroit magique en pleine forêt et entouré d’ours)

Décris-nous cet endroit qui semble éveiller en même temps ta fascination pour “le seigneur des forêts”...

Partager le quotidien des ours est l’expérience la plus fantastique de ma vie. Entendre sa respiration à travers la tente lorsque l’on dort, découvrir ses empreintes dans le sable en allant surfer, sentir sa présence dans la forêt. Vivre sur le territoire de l’ours, c’est faire l’école de l’humilité. Et lorsqu’on observe un grizzli pêcher le saumon, dissimulé dans des troncs d’arbres au bord d’une rivière, on peut dire que l’on ressent pleinement son appartenance à l’ordre du vivant.

Extrait du livre de Damien Castera

"Car il ne faut pas oublier que l’ours rode. La présence de la « Bête » renforce la fragilité de l’homme face à la nature sauvage. La nuit, nous les entendons s’approcher du campement, intrigués par cette vie nouvelle, d’ordinaire étrangère aux forêts. Nous percevons leur souffle lourd mêlé au chuchotement des bois. Ils pénètrent notre espace de vie, reniflant les restes du feu où quelques heures auparavant, cuisait la truite ou le saumon. Il peut arriver que les plus curieux entreprennent de flairer notre tente, nous pouvons alors ressentir leur respiration à quelques centimètres seulement. Au début, c’est une expérience assez terrifiante, et puis on s’habitue. Certains ours, peu accoutumés à l’odeur de l’homme, prennent peur et se mettent à souffler frénétiquement de l’air avant de s’enfuir dans l’obscurité. Au petit matin, quelques empreintes sont abandonnées sur la terre comme les vestiges de leurs visites nocturnes. Heureusement, les rencontres en journée se font rares et chacun continue à fantasmer secrètement la présence de cet animal légendaire."
expedition odisea castera

A ce même endroit (près de Yakutat), une tempête s’abat sur le campement.Même quand la nature se déchaîne, tu savoures... tu lui consacres malgré tout un discours élogieux dans le livre.S’en suit 10 jours de pluie non stop.C’est là que la phrase de Sylvain Tesson (que tu cites) prend son sens :“la pluie a été inventée pour que l’homme se sente heureux sous un toit”

Ces expéditions ne sont-elles pas un moyen de chercher l’inconfort pour chérir le confort ?

L’inconfort n’est pas une finalité mais il est difficile d’y échapper. Et puis, on choisit des destinations qui n’invitent pas vraiment au confort, c’est le moins qu’on puisse dire. Je suis assez sensible à cette idée de gagner ce qu’on est venu chercher. A l’image d’un pèlerinage, il y a cette notion de don de soi, laisser quelque chose à la piste, de la sueur, des pensées, cette manière de mériter ce que nous sommes venus chercher. L’aventure doit se mériter ! Cette vision est parfaitement représentée dans la marche d’approche des montagnards plus que dans l’univers du surf. En montagne, on fait front aux tempêtes en dormant sous la tente, on ne s’extrait pas du milieu, on s’y dissout…

Vous conclurez finalement votre Odisea par “des sessions surf mémorables”, longtemps empêchées par la météo, la houle et les locaux (lions de mer) qui scandaient à leur façon des “GO HOME”.Cette attente et ces obstacles ne semblent pas non plus générer de frustration chez toi.

Cette patience et cette humilité face aux éléments sont-elles l’enseignement de tes aventures ?

A la différence des sports en salles qui permettent une instantanéité dans la pratique, les sports d’extérieur nécessitent à contrario une bonne dose de patience. En Alaska comme en Patagonie, l’homme compose, la nature dispose. Du coup, après des jours d’attentes et des semaines d’aventures, surfer face aux montagnes enneigées devient une récompense formidable. On se sent alors privilégié de vivre un tel moment et de le partager avec des bons copains. C’est là que notre aventure prend tout son sens.

damien castera surf alaska

Partie 2 du livre de Damien Castera : Chili / Patagonie

Votre deuxième expédition Odisea se passe au Chili,Vous attaquez par l'ascension du volcan Osorno,Après une première nuit à 1800m plutôt paisible, l'ascension jusqu’au sommet fut “plus brutale”. Vous devez faire face à une forte tempête et un brouillard épais.

A ce moment là, est-ce là que tu te sens le plus vivant ou est-ce là que tu te sens au mauvais endroit, au mauvais moment ?

A ce moment là, je t’avoue qu’on ne faisait pas les malins (rires). Plus personne ne parlait, on ne voyait plus à deux mètres, j’avais le genoux blessé à cause de la surcharge de matériel, notre caméraman a fait une crise de tachycardie… Bref c’était assez compliqué. Surtout avec l’idée de devoir faire le camp de base au sommet, avec plus de 100 km en rafales. Heureusement, nous avons pu monter les tentes dans une grotte de glace, sous le glacier, à l’abri des vents. Je pense que dans ces moments là, on est trop concentrer sur nos prises, occuper à lutter contre le vent, à ne pas penser au froid, pour apprécier réellement l’instant. On est heureux quand on redescend quelques jours plus tard sous le soleil.

greg-rabejac
Ascension du volcan Osorno (crédit photo : @greg.rabejac)

Tes expéditions vont au delà de la quête de paysages, d’aventures et de vagues. Tu accordes une large place à l’histoire des lieux, des hommes, des cultures.

Bien connaître l’endroit où tu es parait te passionner tout autant ? Est-ce le devoir d’un voyageur ?

Chacun voyage a sa façon, il n’y a pas de règles. J’aime me plonger dans les livres avant une expéditions pour en saisir la couleur et la poésie. Je ne lis jamais de guides de voyages mais par contre je me plonge dans les grands textes de la littérature, les récits d’expéditions, des articles anthropologiques… Je sais que ça enlève une certaine part de surprise mais j’aime comprendre un lieu avant de le visiter. Et puis ça me permet d’échafauder les trames pour mes histoires.

Anecdote du livre de Damien Castera

Pour mettre en avant et pouvoir parler du “peuple mapuche” au Chili, l’équipe d’Odisea refusera une aide financière du gouvernement Chilien, qui conditionnait sa contribution à la suppression de “la problématique Mapuche” du scénario...

Votre escapade à Chiloe et votre rencontre avec les paysans Fernando et Henrietta est une nouvelle occasion de constater la folie de l’homme… Comme tu le soulignes dans le livre : il transforme les paysans en exploitants pour industrialiser les productions, il s’approprie les paysages en y construisant des “demeures”...

Quelque soit la destination, n’est-ce pas finalement un constat qui se répète ?

Je pense que notre rencontre avec Henrietta et Fernando nous montre qu’il est possible de vivre différemment en nous questionnant sur la notion de progrès. Depuis quelques années, l’apparition de l’agro-industrie, confortée par les sciences modernes, a balayé d’un revers de manche 4000 ans de savoirs empiriques dans la plupart des pays du monde. Des générations entières de connaissances abandonnées au profit des nouvelles technologies. Avons-nous déjà oublié les bons mots de Rabelais : “science sans conscience n’est que ruine de l’âme.” On parle aujourd’hui “exploitants agricoles”, une appellation un tantinet pompeuse pour des experts du rendement et des comptes d’exploitation. Comme si la terre était l’esclave de nos désirs, une entité nourricière que l’on presserait pour en sucer le suc. Mais dans l’acte même de “cultiver” il y a cette notion de rendre culte. Cultiver la terre, c’est rendre culte à la vie du sol.
Au risque de tout perdre à cause de l’effondrement des prix liée à une production en monoculture., Fernando et Henrietta préfèrent garder l’ancienne méthode consistant à vivre de leurs récoltes, puis de l’échange de celles-ci, et enfin de la vente du surplus. Les chantres du modernisme se hâtent de qualifier leur activité d’archaïque, d’improductive, de “petis bras”. Il n’empêche, leur système de poly-cultures et d’élevage leur permet d’accéder à l’autonomie et à la liberté, évitant toute crise majeure.

"Des générations entières de connaissances abandonnées au profit des nouvelles technologies. Avons-nous déjà oublié les bons mots de Rabelais : “science sans conscience n’est que ruine de l’âme.” "

Il en est de même pour le tourisme, où comme tu le constates au Chili, l'homme n'hésite pas à mettre en spectacle les populations locales “telles des bêtes de foire”....

Question tourisme, il faut faire attention à ce que j’appelle le syndrome « Rendez-vous en terres inconnues ». Car dans sa quête d’exotisme, le tourisme “vert” ou “ethnique”perpétue parfois le mythe “du bon sauvage” : celui de l’indigène nu, innocent, authentique, peu matérialiste, détenteur d’une vérité universelle, vivant en harmonie avec les siens et la nature. Si c’est effectivement le cas pour certaines tribus isolées, nombreux sont les peuples “ancestraux” prêts à tout pour rentrer dans la modernité. C’est là le paradoxe du tourisme ethnique : partir en quête d’authenticité, la valise pleine de bons sentiments, tout en enfermant les autochtones dans des stéréotypes bons marchés.
Dans “L’Homme à la clef d’or” de Gilbert Keith Chesterton, je note la formule suivante : « Le voyageur voit ce qu’il voit, le touriste voit ce qu’il est venu voir. »

damien castera voyage
Damien Castera et Mathieu Crepel en discussion avec Eric Vargas Quinchaman, chef de communauté Mapuche.

De retour au campement, réfugié dans ta tente à cause du mauvais temps, tu sors le livre de Stephan Zweig sur Fernand Magellan.Un explorateur qui à ton enfance t’as “mis à rêver de la Patagonie, d’Indiens légendaires et de tempêtes”.

Tes expéditions Odisea sont-elles des rêves éveillés ?

Oui je crois beaucoup à ça. J’ai lu quelque part que partir à l’aventure, c’est avoir des rêves d’enfants que l’on accomplit avec des moyens d’adultes. Je suis absolument d’accord avec cette formule, regarde dans Odisea, on construit des cabanes dans la forêt, on grimpe des montagnes, on dégringole des rivières, on construit des radeaux, on rencontre des indiens et des chercheurs d’or… J’aime beaucoup l’idée que ces aventures sont des réponses à nos rêves d’enfant. Ca permet de ne pas se prendre trop au sérieux. Il ne faut pas oublier qu’on est là parce qu’on l’a choisi quand d’autres vivent des aventures par dépit. Je pense à tous les exilés qui quittent leurs pays en guerre, traversent les déserts, s’aventurent sur des mers sans fond par des nuits sans lune, et repeuplent les forêts comme au temps des grands voyages. En plus de m’attrister, cette vision des choses me fait beaucoup relativiser notre condition d’aventurier.

”Une idée animée par le génie et portée par la passion est plus forte que tous les éléments réunis et toujours un homme, avec sa petite vie périssable, peut faire ce qui a paru un rêve à des centaines de générations une réalité et une vérité impérissables”

Citation de Stephan Zweig notée dans livre de Damien Castera

D’un rêve, un accomplissement...On te sait passionné de lecture, tu cites souvent des auteurs qui t’ont inspiré, “Jack London, Paul-Emile Victor, Maurice Herzog” ou encore Sylvain Tesson.

Écrire ton propre livre, est-ce pour toi un accomplissement ?

Oui, j’ai toujours éprouvé une grande joie à lire et à écrire. Ayant passé une partie de mon enfance loin de la mer, les livres m’ont permis l’évasion par l’imaginaire. Puis quand j’ai commencé à voyager, j’ai toujours tenu un journal de bord pour y consigner des faits, des anecdotes, des pensées, de la poésie et le récit des aventures vécues. Ecrire, c’est mettre de l’ordre dans ses idées. La tenue d’un carnet de bord vous oblige à être attentif à toutes les subtilités pour poser sur le papier ce que vous avez su saisir de votre journée. Ordonner les mots et voir son journal publié illustré par les photos de Greg Rabejac est un accomplissement fantastique. C’est une version alternative, peut-être plus intimiste que celle proposée par nos films documentaires.

Tes écrits sont mis en images par Greg Rabejac, l’homme derrière le boitier. Pêcheur, photographe, ami… Un mot sur lui ?

Greg est une sorte de poète, un amoureux de la nature comme j’en connais peu. D’un tempérament discret, presque taciturne, il n’est pas rare de le retrouver au petit matin, attendant patiemment sous les étoiles l’arrivée des premières lueurs de l’aube. Amoureux des montagnes, de l’océan et des immensités sauvages, il est également sensible à la subtilité des détails. Il est capable de rester allongé dans l’herbe durant des heures, photographiant des formations de mousse ou de lichen, harmonisant les formes et les contours, jouant avec les lignes de fuite, les lumières et les nuances, pour saisir la poésie naturelle de l’instant. Sa capacité d’émerveillement et sa constante bonne humeur en font un compagnon privilégié dans l’aventure.

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Nous n’en avons pas parlé mais il occupe une place importante dans Odisea. Ton acolyte de surf, de snow, d’aventures, de moments de galères et d’extases… Mathieu. Un duo de choc ?

Mathieu est l’une de mes plus belles rencontres de ces dernières années. On s’est rencontré aux fêtes de Bayonne et on a très vite su qu’on réaliserait des choses ensemble. Je connaissais son palmarès en snowboard mais j’étais loin de me douter de l’implication et le cœur qu’il mettait dans ses projets. On a travaillé d’arrache pied pendant un an pour organiser notre première expédition en Alaska. C’était pas gagné, mélanger expédition en montagne, en rivière et en mer, avec 700kg de matos… Il a été un super guide et m’a bien facilité la tâche en montagne. Et puis partager la même tente pendant deux fois 6 semaines, ça crée des liens (rires…)

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Mathieu Crepel et Damien Castera (crédit photo : @greg.rabejac)

J’en profite pour remercier toute l’équipe de When We Were Kids, Will et Jay ainsi que Pierre Frechou. Hâte de pouvoir repartir à l’aventure avec eux !!!

En attendant que ça arrive, je souhaite du courage à tout le monde en cette période difficile. On aura jamais autant ressenti notre manque de nature… Espérons qu’on en tire quelque chose de bénéfique pour l’avenir !
En attendant, prenez soin de vous !


Déjà long (mais tellement riche), cet échange aurait pu durer longtemps. Comme le livre finalement. Un semblant de pas assez ou la juste dose. N’espérons pas plus, comme disait Sylvain Tesson « L’espérance est une insulte à l’instant ». Saluons donc simplement le bon moment que nous a offert la lecture de ce « carnet d’émerveillement » et remercions Damien Castera de nous l’avoir partagé. Sincère merci à Damien pour ce riche et précieux entretien.

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